LE 49.3, ÉNIÈME REJET DU DÉBAT PARLEMENTAIRE
Bayrou déclenche le 49.3 et refuse une énième fois la tenue du débat parlementaire.
Voici les discours que j’aurais dû prononcer au nom du Groupe Écologiste et Social portant sur le budget d’austérité imposé par le gouvernement.
- Discours sur la motion de rejet préalable
Madame la Présidente,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les ministres,
Chers collègues,
Au nom du groupe écologiste et social, je veux expliquer en quelques mots les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas cette motion de rejet préalable, malgré notre ferme opposition au budget présenté.
Depuis la reprise des discussions budgétaires, et nonobstant un contexte peu propice au compromis politique, nous avons toujours répondu favorablement aux demandes de dialogues avec les ministres en charge de préparer ce budget, même si nous avons constaté que notre place n’est requise qu’à condition d’être strictement consultative.
Nous souhaitons aujourd’hui qu’un vote puisse se tenir sur ce budget, car nous ne pouvons nous résigner à un budget médiocre qui sacrifie la transition écologique, qui fragilise encore nos services publics, et qui ne répond pas aux urgences sociales que votre politique, et celles de vos prédécesseurs, ont dangereusement augmentées. Certes, vous proposez des recettes nouvelles pour les caisses de l’Etat mais infiniment moins que celles qui ont été supprimées ces dernières années, et que celles votées par amendements à l’Assemblée Nationale à l’initiative du NFP. Vous persistez donc avec une logique politique qui toujours conduit à l’augmentation des déficits, pour justifier ensuite les économies sur les services publics.
A gauche de cet hémicycle, nous avions pris un engagement si le Président avait consenti à respecter le résultat du suffrage: ne pas utiliser le 49-3, pour aucune loi, pas même la loi de finances. Cet engagement d’abord comme expression d’une morale publique qui n’accepte pas que l’on s’habitue à l’absence de vote sur le budget, situation qui ne saurait être tolérée dans aucune autre assemblée authentiquement démocratique. Engagement ensuite comme expression d’une sincère adhésion à l’esprit et à la loi d’une véritable démocratie parlementaire.
Mais quand nous avons préféré le dialogue, de votre côté vous n’avez jamais prétendu faire autrement qu’engager la responsabilité du gouvernement, par l’usage de l’article 49 alinéa 3, pour permettre l’adoption du budget.
Curieuse concrétisation d’une promesse politique de dialogue sans cesse exprimée depuis des années par vous, le premier ministre.
Nous souhaitons qu’un vote sur le budget proposé par votre gouvernement puisse se tenir aujourd’hui. C’est pourquoi nous rejetterons cette motion de rejet préalable.
- Déclaration générale au projet de loi finances pour 2025
Madame la Présidente,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les ministres,
Chers collègues,
Au nom du groupe écologiste et social, je veux expliquer en quelques mots les raisons de notre opposition à ce budget quand bien même avons-nous appris que vous vous passerez du vote de l’Assemblée, pour l’imposer au pays.
Nous vous en sommes reconnaissants, vous n’avez jamais prétendu faire autrement qu’engager la responsabilité du gouvernement, par l’usage de l’article 49 alinéa 3, pour permettre l’adoption du budget 2025. Mais peut-être est-ce là le péché originel, trahissant votre incapacité à construire une majorité sur l’acte législatif qui engage plus qu’aucun autre l’action du gouvernement.
La gauche et les écologistes avaient pris un engagement différent si le Président avait enfin consenti à respecter le résultat du suffrage de juillet : celui de ne pas utiliser le 49-3, pour aucune loi, pas même la loi de finances. Cet engagement d’abord comme expression d’une morale publique qui n’accepte pas que l’on s’habitue à l’absence de vote sur le budget, situation qui ne saurait être tolérée dans aucune autre assemblée authentiquement démocratique.
Engagement ensuite comme expression d’une sincère adhésion à l’esprit et à la loi d’une véritable démocratie parlementaire. Il est de ce point de vue totalement paradoxal que vous appeliez à une plus grande responsabilité des parlementaires, prétendiez même y accéder par un changement de loi électorale, mais que vous affirmiez, en même temps, qu’en l’absence de majorité absolue, nul autre choix n’est possible que celui de l’autoritarisme du pouvoir exécutif s’exonérant l’approbation du législateur. Curieuse mise en place d’une promesse politique de dialogue sans cesse exprimée depuis des années par vous, M. le premier ministre.
Votre revendication d’un accord à l’issue de la commission mixte paritaire, par son caractère conclusif, est une illustration supplémentaire de cette hypocrisie qui considère au fond la démocratie comme accessoire. Notre groupe devait en effet siéger à cette CMP, au titre de la règle du tourniquet, mais vous avez préféré en convoquer une autre, inattendue et en urgence, il y a quelques jours, pour nous évincer de celle, cruciale, sur le budget, qui vous aurait obligé à un compromis plus soucieux de la représentation nationale. Convenons qu’il est en effet plus aisé d’être majoritaire dans une commission ou une assemblée lorsqu’on décide arbitrairement de sa composition, « on n’est jamais mieux servi que par soi-même », n’est ce pas… Nonobstant un contexte peu propice au compromis politique, nous avons répondu favorablement aux demandes de dialogue avec les ministres en charge de préparer ce budget, même si nous constatons que notre place n’est requise qu’à condition donc d’être strictement consultative.
Nous vous avons rappelé les principes auxquels nous étions viscéralement attachés, que d’aucuns ont pu réduire à l’expression de caprices, mais qui sont l’expression à nos yeux du mandat donné par les électrices et électeurs des mois de juin et juillet derniers à la représentation nationale. Incontestablement, le résultat du suffrage exige-t-il d’abord que le gouvernement change de politique par rapport à celle menée depuis 2017. La dégradation des comptes publics en 2024 exigeait évidemment que nous adaptions nos programmes à cette nouvelle réalité mais elle confirmait tout autant l’impasse d’une politique fondée sur la baisse quoi qu’il en coûte de la pression fiscale. Impasse donc, parce qu’a échoué le pari d’une croissance de l’activité, de l’assiette fiscale,aux revenus supérieurs à la perte engendrée par la diminution des taux. Impasse aussi parce que cette politique aura dégradé les moyens de l’action publique, au détriment de la cohésion sociale et des investissements d’avenir.
Or le budget que vous nous proposez ne rompt pas avec l’économie générale des budgets antérieurs, ni ne répond aux urgences sociales que votre politique a dangereusement aggravées. Certes, vous proposez des recettes nouvelles pour les caisses de l’Etat mais infiniment moins que celles qui ont été supprimées ces dernières années et alors que vous annoncez d’ores et déjà que les seuls efforts modestes, pour les plus riches, seront ponctuels. Côté dépenses, vous privez nos services publics de 23,5 milliards d’euros au risque d’effets récessifs plus coûteux en recettes qu’ils ne sont censés assainir nos comptes publics. Vous persistez donc avec une logique politique qui toujours conduit à l’augmentation des déficits et légitime ensuite que vous réduisiez encore les moyens de l’action publique.
Certes, les plaidoyers des forces de gauche et écologistes auront permis, sinon des victoires, a minima des moindres reculs pour l’éducation nationale, l’hôpital public, au PLFSS, ou encore pour les collectivités territoriales. Mais comment se satisfaire d’une situation ou ces dernières par exemple doivent tout de même faire des économies, au prix d’arbitrages impossibles entre le soutien à des acteurs culturels précaires et inquiets ou l’investissement public par exemple ? En outre, votre budget ne prévoit rien, strictement rien, qui permette l’amélioration du pouvoir de vivre de celles et ceux qui exercent les métiers les plus pénibles et les moins bien payés dans la fonction publique, qu’ils soient titulaires ou contractuels.
Tous ces métiers essentiels que nous jurions vouloir mieux considérer et qui ont subi de plein fouet l’inflation ces dernières années. A ceux là aussi nous devons honorer une promesse simple et profondément républicaine : le partage des richesses. Enfin, et c’est probablement le cœur de notre désaccord, nous ne pouvons nous résigner à un budget médiocre qui sacrifie notre avenir à travers des coupes sur l’enseignement supérieur et la recherche, avec 1 milliards d’euros d’économie et sur la transition écologique avec 2,1 milliards d’euros d’économies, principalement par la diminution des moyens du fond vert, du soutien au ENR et du leasing social. En conséquence, nous rejetterons ce budget, sans plaisir mais en responsabilité, et nous attablerons dès demain à travailler avec toutes les forces véritablement constructives pour en construire un à la hauteur des enjeux et des attentes formulées par les citoyens. Je vous remercie.