MA RÉACTION À LA NOTE DE CONJONCTURE 2025 DE LA BANQUE POSTALE
Dans l’attente qu’un gouvernement soit nommé et qu’un projet de budget soit déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, nous avons repris le travail dans les commissions et les délégations officielles où nous siégeons. La réunion de la délégation aux collectivités territoriales était, ce mercredi, dédiée à la présentation de la note de conjoncture 2025 de la Banque Postale, document d’appréciation de la situation financière des collectivités locales.
Je vous partage ici la vidéo de mon intervention, en réaction spontanée au document qui nous a été présenté. Plusieurs observations méritent à mon sens d’être partagée.
La première va presque de soi mais une communication gouvernementale antérieure mensongère nous oblige ce rappel : les collectivités ne pèsent que pour 7 % de la dette publique consolidée et elles ne sauraient donc être désignées pour responsable de son explosion ces dernières années. J’ajoute que la dette locale est financée par des excédents de fonctionnement, condition nécessaire à l’emprunt. Leur dette est donc saine et ne concerne par ailleurs qu’exclusivement l’investissement, indispensable par exemple pour la transition écologique. Si tant est qu’elles doivent faire un effort, encore faudrait-il que ce dernier soit proportionné à la part de dette qu’elles génèrent.
Évidemment, et les experts de la Banque Postale n’ont pas manqué de le souligner, les ressources des collectivités territoriales ne peuvent être observées dans l’abstraction des transferts de recettes de l’État qui les financent (dotations, part de fiscalité nationale…). C’est cet argument qui vient justifier l’effort qui devrait leur être demandé. Mais ce dernier percute l’engagement de l’État à la neutralité financière des réformes fiscales décidées (suppression de la taxe d’habitation et de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises), lesquelles n’ont pas été financées (ni croissance, ni impôts de substitution) autrement que par un recours accru à la dette. Dans le contexte d’une croissance du déficit et de la dette exclusivement liée à la diminution de la pression fiscale, l’on vient ainsi solliciter les collectivités pour payer les baisses d’impôts pour les ménages et entreprises les plus aisées et c’est inacceptable.
A l’image des débats sur la fiscalité nationale, j’ai rappelé le besoin d’une mise à plat des modalités de financement des collectivités territoriales. Je doute toutefois que ce chantier puisse être raisonnablement achevé au cours des deux petites années qui nous séparent de l’élection présidentielle, n’en déplaise à l’annonce d’un grand acte de décentralisation par le nouveau Premier ministre. En tout état de cause, il m’apparait d’une part que les ressources des collectivités territoriales doivent être articulées à leurs compétences, d’autre part qu’il est nécessaire que les collectivités retrouvent un pouvoir de taux fondé sur une assiette fiscale dynamique. Par exemple, il est pour le moins douteux que les régions soient financées par les produits de vignettes automobiles alors qu’elles ont la responsabilité de produire les infrastructures nécessaires aux déplacements décarbonés. N’étant guère convaincu à l’idée de la création ex nihilo d’un nouvel impôt ménage, j’interroge l’hypothèse d’un transfert d’une part d’un impôt national accompagné d’une possibilité encadrée d’un pouvoir, à la hausse ou à la baisse, des taux pratiqués sur l’assiette transférée. Et pour le dire explicitement, l’hypothèse est celle d’un transfert d’une part de l’impôt sur le revenu aux collectivités, la perte de ressources pour l’État pouvant être compensée par une plus grande contribution des ménages et entreprises les plus aisées, CQFD.
Enfin, la note de conjoncture de la Banque Postale dépeint une situation financière globale des collectivités meilleure qu’attendue mais sans renseigner les efforts, parfois très douloureux, auxquels elles ont dû consentir pour y parvenir. Bien qu’appréciant les chiffres, je suis lucide sur la partialité des renseignements qu’ils fournissent. La dite note n’avait d’ailleurs pour autre objet qu’être une photographie de leur santé financière, sans informer des liens de causalité explicatifs. Et en dépit d’une photo moins dégradée que prévue, l’on observera des signes préoccupants de diverses fragilités.
La santé financière du bloc communal (communes et EPCI) est strictement stable en dépit du ralentissement de l’inflation et des économies sur leurs dépenses de fonctionnement ces dernières années. Dans ce contexte, la hausse attendue des cotisations pour les retraites des fonctionnaires territoriaux apparaît comme un Himalaya infranchissable sans affecter le périmètre du service public.
Celle des départements s’améliore au rythme de la reprise des transactions immobilières (DMTO pour les plus avertis) mais leurs résultats financiers demeurent très fragiles (équivalents à 2023 jugés alarmants) alors qu’ils ont massivement coupé dans les dépenses non obligatoires, à l’exemple des budgets culturels souvent fortement diminués. En outre, nombreux sont les experts qui considèrent que la croissance des transactions financières est pour partie liée à l’anticipation de la hausse des taux, laissant craindre l’hypothèse d’un recul ultérieur des produits pour les départemements.
Enfin les régions sont dans le rouge et cette situation appelle une correction dans le prochain budget (épargne brute en chute de 7,5%) sauf à craindre des arbitrages douloureux pour les dépenses indispensables à la préparation de l’avenir (enseignement, transitions…).
Le débat budgétaire à venir s’annonce ainsi aussi crucial que passionnant.