
18 décembre 2025
Je me suis abstenu cette semaine sur le vote du projet de loi de finances de la sécurité sociale pour 2026 (PLFSS), comme la semaine dernière lors de l’examen en deuxième lecture.
Ce choix est celui de la raison afin de ne pas empêcher l’adoption d’un budget pour la sécurité sociale en 2026 et suite à des semaines de travail parlementaire qui auront permis une évolution substantielle de la loi initialement déposée par le gouvernement.
L’examen et le vote du dit PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) ne relèvent d’aucune obligation absolue à la différence du budget de l’État qui est indispensable à la perception de recettes fiscales et à l’engagement des crédits nécessaire au fonctionnement du service public (exemple : traitement des fonctionnaires). S’il existe une possibilité d’assurer une continuité temporaire de l’État par l’adoption d’une loi spéciale en lieu et place du PLF (projet de loi de finances), pareille disposition n’existe pas pour le budget de la sécurité sociale. Sans vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale c’est celui de l’an dernier qui se serait appliqué, par douzième, et sans possibilité d’engagements de nouvelles dépenses d’investissement (exemple : création de places en EHPAD). Quoi que l’on pense du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, la reconduction du précédent (2025) aurait fait perdre plus de 8 milliards d’euros à la Sécurité Sociale, aurait empêché des dépenses d’investissement attendues, et provoqué mécaniquement un déficit supplémentaire autorisant le gouvernement à l’usage de la voie réglementaire pour le contenir (ex : déremboursement et/ou nouvelles franchises par exemple).
Depuis le texte déposé par le gouvernement jusque celui que nous avons examiné, la mobilisation des parlementaires de gauche aura incontestablement permis le nettoyage des dispositions les plus dures de la loi. Pêle-mêle les pensions de retraites et les allocations sociales sont réindexées, le doublement des franchises médicales est abandonné, de même que la taxation des tickets restaurant et la diminution du salaire net des apprentis. Au chapitre des recettes de la Sécurité Sociale, nous avons obtenu une légère hausse de la CSG sur le capital et le remboursement par l’État aux caisses de la sécurité sociale d’exonérations de cotisations sociales, vieille revendication de la gauche.
Prétendument « plus à gauche » d’aucuns nous disent que les mesures évitées n’étaient qu’épouvantail pour nous « faire avaler » un budget austéritaire. L’on parle ici des moyens accordés par la loi à la sécurité sociale, aux hôpitaux, à la prise en charge des personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap. Le texte initial prévoyait une augmentation des dépenses sociales équivalente à +1,5 % par rapport au budget 2025. Tout au long du débat parlementaire, nous avons indiqué que notre objectif était que le texte puisse atteindre au moins 3% d’augmentation, compte tenu de la croissance naturelle des besoins sociaux et de santé dans une société vieillissante. La copie finale propose une augmentation légèrement supérieure à 3%, soit + 8 milliards d’euros par rapport à 2025. Cette hausse est assurément insuffisante pour satisfaire aux ambitions initiales du Nouveau Front Populaire mais il n’est pas honnête de présenter ce budget pour austéritaire. Et surtout, la pureté de notre attachement au programme valait-elle que l’on refuse tout en bloc au risque d’une perte sèche pour les soignants et les malades ?
Penchons-nous un instant sur les alternatives ? Outre l’hypothèse d’une stricte reconduction d’un budget moins disant (expliquée ci-dessus), quelles pouvaient être les alternatives à ce budget ?
La première, la plus évidente, eut été qu’au sein de cette Assemblée nous parvenions à obtenir un meilleur compromis, permettant l’adoption d’un budget doté de davantage de recettes pour mieux financer la protection sociale et la santé de nos concitoyen-nes. Cette hypothèse suppose l’adoption par une majorité de député-es d’un texte qui est passé de justesse alors même qu’une majorité des député-es des groupes Horizon et LR, membres du socle prétendu commun, n’ont pas voté la loi sous prétexte qu’elle créait de nouveaux impôts (CSG capital) et était trop dépensière (+ 3% de l’objectif de dépenses de l’assurance maladie). Dans le contexte, par ailleurs, d’une gauche divisée puisque la France Insoumise n’entendait pas mettre en jeu les voix de ses député-es pour l’adoption de la loi, il me semble que le texte adopté est certainement le plus petit dénominateur commun acceptable de cet hémicycle.
Si nous considérons que cette Assemblée ne peut obtenir de meilleur budget et que nous le refusons, quel autre chemin possible que celui du retour aux urnes ? Formulé autrement, pensons nous que seule une configuration de majorité absolue est légitime pour gouverner ? J’entends certain-es de mes camarades de gauche expliquer ainsi que le vote favorable, voire même l’abstention, sur un texte budgétaire acterait la participation à une majorité. Ces réductions sont je crois assez éloignés des principes de la démocratie parlementaire, voire de la démocratie tout court, qui ne peut se satisfaire d’une mécanique autorisant le pouvoir absolu des uns, quand les autres n’ont pour seule prérogative que la contestation.
En écrivant ces lignes, je n’écarte évidemment pas la légitimité d’un retour devant les électeur-ices lorsqu’une situation est définitivement bloquée. Mais cette Assemblée est la mieux élue depuis 1981 (participation record) et certainement la plus fidèle à la diversité d’opinions qui traversent la société française. De surcroît, elle est nouvelle, puisqu’âgée de seulement un an et six mois. Et je crains que ce que certains décrivent comme une pagaille ne fassent le lit d’un retour à l’ordre qu’incarne davantage le RN qu’aucune autre formation politique. En outre, l’hypothèse d’un retour aux urnes est encadrée des règles relatives à la dissolution : le scrutin doit se dérouler dans les 20 à 40 jours qui suivent cette décision. Inutile de dire qu’en l’état des divisions de la gauche et des tendances électorales, l’extrême-droite aurait toutes les chances d’en sortir gagnante. Au grand dam des intérêts de celles et ceux qu’une posture ultra-conflictuelle aurait prétendue défendre. C’est d’ailleurs un point sur lequel il faudra un jour revenir. La théorisation de la conflictualité est celle du fantasme d’une société au bord d’une bascule révolutionnaire. Fantasme car tout indique au contraire que nous sommes au précipice du contraire : une contre révolution réactionnaire.
Notre abstention sur le PLFSS ne constitue en aucune façon un ralliement ou une quelconque bienveillance vis-à-vis du gouvernement. C’est un acte conscient et rationnel dans le contexte d’une Assemblée nationale sans majorité afin de doter la sécurité sociale d’un budget. A l’heure j’écris ces lignes, je ne connais pas de chemin analogue pour l’adoption du budget de l’État. Le refus obstiné du gouvernement et du socle commun d’aller chercher des nouvelles recettes fiscales, notamment sur les plus riches, provoque nécessairement des économies en dépense contraires aux politiques publiques pourtant indispensables : éducation, transition écologique, soutien aux collectivités territoriales… L’incertitude et les menaces qui pèsent sur nos sociétés appellent le renforcement de la puissance publique et nous saurons le dire avec fermeté dans les semaines à venir.