Comité d’alerte du budget 2025 :
une parodie de démocratie pour prolonger une politique inefficace et désavouée
J’ai représenté mardi les groupes Groupe Ecologiste et Social – Assemblée nationale et Ecologiste – Solidarité et Territoires (député-es et sénateur-ices) au premier comité d’alerte sur les finances publiques mis en place par le premier ministre.
Cette réunion concernait un sujet grave et « d’indépendance nationale », pour reprendre les mots du Premier ministre, puisqu’il réfère au financement de nos services publics et de la protection sociale. Qu’à cet effet, l’on réunisse conjointement l’exécutif, les groupes politiques du pouvoir législatif et les principaux corps intermédiaires me paraissait être nécessaire tant ces questions ont de conséquences sur l’organisation de la Nation.
Toutefois, et comme l’habitude depuis les dernières élections, le pouvoir exécutif se refuse à l’organisation méthodique d’une discussion politique sincère, réservant aux oppositions et partenaires sociaux des temps d’information qu’il confond avec l’exigence des temps de partage et de débat démocratique qu’appellent la gravité des sujets et l’absence de majorité politique et sociale du pouvoir.
Le déficit public et la dette de la France doivent incontestablement nous alerter et aucun budget ni programme ne peut sérieusement faire l’impasse d’efforts pour réduire notre endettement. Pourtant, je ne suis pas d’une école politique qui sacralise l’équilibre budgétaire, considérant au contraire que le recours à l’emprunt est nécessaire pour l’engagement, et donc le financement, des politiques de transition. Toutefois, le recours à l’emprunt s’est considérablement accru ces dernières années, encouragé par des taux très bas, voire négatifs en certaines situations, de telle sorte que la dette a cru d’un milliard au cours des 7 dernières années, le déficit s’établissant en 2024 à 5,8 points de PIB soit 170 milliards d’euros contre 2,4 points de PIB et 58 milliards d’euros en 2019. La conjugaison d’une remontée des taux depuis 2022 et le besoin de renouveler pour moitié le stock de la dette nationale, soit 1500 milliards d’euros, d’ici à 2030, met le pays en situation fragile puisque la charge annuelle de la dette pourrait s’envoler et atteindre 100 milliards d’euros par an dans les prochaines années, contre 50 actuellement (à titre de comparaison, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche pèse 26 milliards d’euros en 2025).
La gravité de cette situation aurait légitimement justifié que s’organise une discussion honnête, entre les pouvoirs exécutifs et législatifs, mais également avec les partenaires sociaux et corps intermédiaires. La réunion à laquelle nous avons pris part mardi a malheureusement été le cadre d’informations descendantes, faisant part des crédits mis en réserve (adoptés mais mis de côté pour diminuer la dépense), et d’orientations générales indiquant que l’exécutif se refusait à utiliser le levier fiscal, réservant l’ajustement budgétaire aux économies en dépenses. A l’exception du MEDEF, et de l’intervention du représentant du groupe présidé par Gabriel Attal à l’Assemblée nationale, tous les participants à la réunion sont intervenus pour contester ces orientations et faire part de leurs doutes sur l’opportunité d’un cadre prétendu être lieu du dialogue si le périmètre de ce dernier devait être à l’avance déterminé par le gouvernement.
Comme mes collègues de gauche, et à l’unissons des organisations syndicales et associations d’élus, j’ai exprimé mes réserves sur le format s’il devait être caution d’une politique désavouée dans les urnes.
J’ai également dit notre forte préoccupation relative à la dégradation des comptes publics mais en ajoutant que ces résultats étaient la traduction d’un échec, celle de la politique de l’offre. Depuis 2017, la dépense publique est restée globalement stable par rapport à l’évolution du PIB et ce sont exclusivement les baisses et suppressions de cotisations et impôts qui expliquent la croissance des déficits et donc de la dette. Le pari d’une croissance de l’assiette fiscale (stimulation de l’activité) devant générer des recettes équivalentes ou supérieures à la perte engendrée par la diminution des taux et la suppression d’impôts a échoué.
La conférence de presse du Premier ministre qui a suivi cette réunion a donné la teneur des orientations du gouvernement pour 2026 : la réaffirmation d’une politique fiscale stable et des efforts annoncés à hauteur de 40 milliards d’euros sur la dépense publique. Cette obstination est évidemment un problème démocratique puisque le résultat des urnes en juillet dernier exigeait un changement de cap. C’est aussi une impasse pour le fonctionnement de nos services publics et de nos protections sociales au moment même où l’économie est ralentie par un contexte international défavorable. C’est enfin l’assurance que les moyens ne viendront pas pour engager la transition écologique.
Nous proposerons au cours des prochains mois d’autres orientations qui ne feront pas l’économie d’une prise en compte sérieuse de la situation de nos comptes publics. La question fiscale doit être posée. Mais j’ai par ailleurs acquis la conviction que c’est la diminution de notre capacité productive qui est systémiquement explicative de ce désordre : nous arrosons d’argent public et sans résultat probant une mécanique économique grippée au risque de ne plus pouvoir financer un modèle social dont les fondations sont indissociables de l’attachement à la démocratie. Il faut tout revoir sous peine que nos concitoyen.nes ne le considèrent plus comme « le pire des systèmes à l’exception de tous les autres… ».