DE RETOUR DE L’OUVERTURE DE LA XVIIe  LÉGISLATURE

Tout se ramène à ceci : gagner ou perdre. On ne reste jamais stationnaire. Car ne pas bouger, c'est commencer à perdre.

Mardi 23 juillet, quelques jours après l’ouverture de la XVIlème législature, je prends un instant pour vous livrer des premières impressions et esquisses d’analyses de mes trois premiers jours à l’Assemblée nationale et, plus globalement, de la situation politique dans laquelle nous sommes

 

Rien que vous n’ayez déjà lu ailleurs pour commencer, en observant que le résultat de l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale aura été exactement contraire aux résultats des urnes. Au soir d’une défaite cinglante aux élections européennes, le Président de la République avait décidé de « nous donner le choix de notre avenir parlementaire » par l’organisation d’élections législatives anticipées. Au premier tour, « Ensemble pour la République » a obtenu 6,4 millions de voix, loin derrière les 8,9 millions du « Nouveau front populaire » et des 9,3 millions de voix du « Rassemblement national ». La présence de 165 députés rattachés au camp du présidentiel n’aura été possible qu’à la force du barrage républicain que les électeurs du NFP auront appliqué dans des proportions bien supérieures aux électeurs du centre et de la droite (respectivement de l’ordre de 70%, 40% et 20%).
Cette situation aurait dû appeler une forme d’humilité du camp présidentiel, soit par la reconnaissance du NFP pour force première à l’Assemblée nationale en lui donnant la possibilité de la diriger, à minima par la recherche d’un compromis permettant un changement à la présidence de l’hémicycle. A rebours de tout esprit républicain, le camp présidentiel a fait le choix d’un accord avec la droite dans le seul but de se maintenir au pouvoir. Comprendre donc que l’on veut bien « donner le choix» au peuple et lui reprendre ce droit dès lors que le résultat n’est pas conforme aux attendus du camp présidentiel. Comprendre aussi que la seule colonne vertébrale du macronisme est désormais le maintien au pouvoir, quoi qu’il en coûte.

 

L’honnêteté et la lucidité appellent aussi un premier examen de conscience à gauche. A l’image du mouvement contre la réforme des retraites, les dernières semaines ont démontré les capacités de résistance puissantes qui demeurent dans le pays. La mobilisation des nôtres, de toutes les forces sociales et politiques de la gauche et de l’écologie ont donné un sursis à la République en empêchant la prise du pouvoir par l’extrême droite. Nous souffrons toutefois d’une cartellisation préjudiciable à l’élaboration rapide et sûre d’une orientation et d’une stratégie politique que notre position de vainqueurs des élections législatives appelait. Aucun des partis, parlementaires ou militants du NFP ne peut prétendre à la simplicité de la situation et à l’évidence d’une stratégie politique claire. Nous sommes le premier des trois blocs d’une assemblée tripartite mais n’avons pas la majorité absolue des suffrages. Nous avons la légitimité à gouverner mais n’avons pas la possibilité de mettre en œuvre « tout le programme ». La référence aux cultures parlementaristes plus ouvertes aux compromis se heurte aux antagonismes des blocs respectifs: comment négocier par exemple des moyens supplémentaires pour les services publics avec ceux qui ont fait campagne avec l’engagement de diminuer encore les impôts et donc les recettes de l’État ?
Gouverner donc, mais pour quoi faire, avec qui et pour combien de temps ? Comme chacun.e d’entre nous, j’ai un avis sur le sujet, que je vais d’ailleurs expliquer ci-dessous… mais la situation de crise politique que nous vivons aurait exigé une direction politique forte capable de prendre l’initiative. Force est d’observer que nous avons été défaillants, je crois en raison d’un éclatement de nos forces qui surjoue certaines divergences parfois au seul bénéfice d’une protection d’intérêts partisans dont on ne mesure pas toujours la cohérence des contours idéologiques et donc leurs raisons d’être.

Nous avons été défaillants mais la bataille n’est pas encore perdue. Rappelons-le, nul n’a plus de légitimité que le NFP à gouverner. Les électrices et électeurs n’ont pas voté pour refaire du macronisme à l’image de la coalition gouvernementale souhaitée par le Président de la République. Les résultats aux élections européennes puis législatives témoignent d’une volonté de changement, qu’il s’agisse de la manière de gouverner et bien sûr des politiques mises en œuvre. Même relative, la victoire de la gauche et des écologistes dans le contexte d’une progression vertigineuse de l’extrême droite nous intime d’en faire quelque chose. 

Chacun pourra comprendre que l’on soit empêché, personne ne nous pardonnera de n’avoir pas essayé. Manifestement, le camp présidentiel et LR ont négocié un agenda législatif réactionnaire en contrepartie de l’élection de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale et d’un possible soutien (sans participation?) à un futur gouvernement macroniste, fut-il composé de technocrates sans affiliation partisane (oxymore). La perspective de politiques encore plus dures avec les faibles et généreuses avec les forts est une raison supplémentaire de prendre l’initiative d’une proposition de gouvernement et d’un agenda de réformes.

 

Tant qu’aucun Premier ministre n’est nommé, il n’est pas trop tard pour le NFP. L’échec des candidatures d’Huguette Bello et de Laurence Tubiana ne doivent pas désespérer d’une issue indispensable, au besoin en élargissant la négociation aux groupes parlementaires (les seuls député.es étant en responsabilité de voter la confiance ou la censure) et aux organisations de la société civile ayant publiquement appelé à voter pour le NFP. Une voie existe entre la compromission et l’intransigeance du « tout le programme et rien que le programme ». Rappelons que cette dernière option signifie concrètement que nous renoncions à exercer une quelconque responsabilité faute de majorité absolue et que nous acceptions donc qu’un gouvernement, plus à droite encore que le précédent, gouverne en dépit des résultats électoraux, c’est-à-dire de la démocratie. A contrario, nos efforts doivent être concentrés à ouvrir un chemin pour agir dans le cadre du programme du NFP sans négocier son élargissement programmatique. Nombreuses sont les mesures du NFP qui font l’objet d’un assentiment majoritaire dans le pays. Ainsi en est-il par exemple de l’abrogation de la réforme des retraites, de l’augmentation des bas salaires ou encore des moyens nécessaires pour l’hôpital, l’école, la transition écologique ou la justice par exemple. A titre personnel et au regard de la trumpisation du débat public, j’y ajouterais volontiers la protection de l’indépendance de la presse face aux pouvoirs de l’argent. Ainsi, et depuis la cohérence d’un gouvernement du NFP et d’un agenda de réforme, les parlementaires travailleront à gagner, texte par texte, les majorités nécessaires, en proposant des formes de concertation qui associent les citoyens et corps intermédiaires pour en améliorer le contenu

et confronter chacun.e des député.es à sa responsabilité. Front populaire, front républicain, front social: gouvernement, parlementaires et société mobilisée peuvent ouvrir la voie à une amélioration concrète de la vie des plus fragiles et, cette fois, à une authentique renaissance démocratique. Nous avons le devoir d’essayer, avec tout ce que nos fonctions appellent d’exigence et de gravité.

A gauche, la dissolution a précipité la nécessité d’une clarification sur l’horizon de nos batailles. J’ai évoqué plus haut la paralysie que peut provoquer l’éclatement des forces de la gauche et de l’écologie, de surcroît dans le contexte éprouvé d’affiliations politiques fragiles de nos concitoyen.nes qui encourage chacune des forces de la gauche à considérer chaque scrutin électoral comme nouvel étalon de son poids politique. Cette dispersion des forces de la gauche et de l’écologie est propre à la crise qui traverse notre camp depuis l’échec du projet social-libéral (français, européen et mondial) sans qu’une alternative ait encore émergé clairement.
Au plan programmatique, nous observons qu’un rapprochement lent mais sûr s’opère pour considérer l’écologie comme refondatrice de la gauche, en rupture avec le productivisme et l’idée sous-jacente qu’il faut produire davantage pour partager. Nos divisions pèsent toutefois lourd dans notre incapacité à organiser l’adhésion de celles et ceux que nous voulons représenter. Le NFP concentre l’essentiel de ses votes dans les grands ensembles urbains mais est très minoritaire au dehors. Or cette situation ne peut conduire qu’à des victoires faibles, impropres à l’immensité des défis de notre génération. Il est donc urgent de remettre sur le métier l’écriture d’un projet et d’une vision qui rassemble. C’est la promesse du Nouveau Front Populaire que nous avons le devoir d’honorer. J’y prendrai toute ma part dès la rentrée.

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