POUR LA TAXE ZUCMAN !

Depuis 15 jours, mes jours et mes nuits se confondent dans l’examen du projet de loi de finances, que nous essayons de corriger avec mes collègues de gauche et écologistes.
Ne nous y trompons toutefois pas, ce projet de loi de finances est et restera celui du gouvernement. Nonobstant l’abandon salutaire du 49-3, les moyens dédiés à la démocratie parlementaire demeurent très encadrés, à l’image des seules 48 heures séparant la publication du budget et la date butoir pour le dépôt des amendements. Nous n’avons nullement le pouvoir de tout remanier.
 
J’ai cependant indiqué à de multiples reprises notre volonté qu’un budget puisse être adopté au moyen d’un compromis passé avec l’opposition de gauche et écologiste. J’ai en effet pour conviction qu’une crise politique immédiate ne serait guère propice à un débat démocratique de qualité et je crains au contraire d’ailleurs qu’elle n’appelle une réponse d’ordre, plus instinctive et simple qu’une réponse de justice aux difficultés qui traversent le pays.
 
Ce compromis ne saurait être confondu avec une trêve politique dont la seule production serait le prolongement en moins intense des politiques menées jusqu’alors. Ce budget doit être un budget d’apaisement du pays, pas de la seule Assemblée nationale ! Il faut donc quelques ruptures qui épargnent les classes moyennes et modestes des efforts de redressement de nos comptes publics, dont on rappelle que la dégradation est le fait de cadeaux fiscaux aux plus aisés sans effets substantiels sur la croissance (CVAE, Flat tax, ISF, IS …). Il est par ailleurs indispensable que ce budget soit nettoyé de certaines dispositions identitaires, pour ne pas dire racistes, telles l’augmentation brutale des droits de timbre pour le renouvellement des titres de séjour ou encore la suppression des aides au logement pour les étudiants étrangers.
Redresser nos comptes publics, mieux financer nos services publics, accompagner le vieillissement de la population (4ème âge, retraites…) : tout cela exige que nous retrouvions des recettes fiscales. Les réformes des gouvernements qui se sont succédés ont fait perdre plus de 60 milliards par an de recettes fiscales au budget de l’Etat… et c’est sans compter les allègements et autres exonérations de cotisations sociales qui grèvent le budget de la sécurité sociale.
 
Dans ce contexte, j’ai défendu la taxe Zucman pour quatre raisons.
 
La première, parce qu’elle s’inscrit dans la grande histoire de la justice fiscale, indiscutablement partie liée de notre histoire républicaine, proposant qu’enfin soit questionnée la confusion qu’organisent les ultra-riches entre patrimoines personnels et professionnels pour financer leur train de vie. Il n’est pas acceptable par exemple que certains des plus riches de nos concitoyens échappent à l’impôt en ne déclarant aucun revenu ou presque.
 
La deuxième tient au principe d’un impôt plancher : rappelons-le, cette taxe ne serait pas additionnelle mais différentielle. Cela signifie que les ultras riches concernés (+ de 100 millions de patrimoine) ne payeraient que la différence entre l’équivalent de 2% de la valeur de leur patrimoine (dont la croissance moyenne annuelle est située entre 6% et 8%) et la somme des impôts déjà acquittés. Ce principe plancher a l’immense avantage d’interdire que le recours à l’optimisation fiscale ne vienne diminuer l’impôt minimum du (les 2%/valeur du patrimoine correspondent à l’imposition moyenne des français). Du reste, nous avons proposé, par des amendements dits de repli, que cette taxe soit créée au besoin avec des taux inférieurs, respectivement 1,5, 1 et 0,5%.
 
La troisième raison est morale : la violation du principe d’égalité des citoyens devant l’impôt conduit à l’accumulation déraisonnable de richesses qui porte atteinte à l’unité nationale. Aucun projet collectif ne sera soutenable tant que les inégalités continueront à croître. Elles dessinent au contraire le chemin d’une sécession des riches qui ne peut conduire qu’à des sociétés durablement violentes, contraires aux idéaux de justice et d’égalité qui fondent notre pacte social.
 
Enfin, la quatrième raison est plus circonstanciée et renvoie au besoin de recettes fiscales pour que notre déficit diminue (le cas contraire risquerait d’augmenter durablement une charge de la dette devenant difficilement soutenable) et pour financer nos services publics. En somme, nous n’avons pas le choix, soit ceux qui ont les moyens payent, soit les prestations sociales et le service public trinqueront.
 
Si l’Assemblée nationale a rejeté le principe d’une taxe Zucman, nous savons que le sujet reviendra tôt ou tard. D’autres débats vont voir le jour (taxe Gafam, plus value latente, pacte Dutreil par ex) dans les prochains jours et nous jugeront sur pièce la sincérité de ceux qui prétendent vouloir le compromis.
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