PRENDRE CE QU'ON PEUT
Depuis le train de 7h en direction de Paris pour reprendre les hostilités budgétaires après la trêve des commémorations de l’Armistice hier.
Le décalage entre des institutions édifiées pour une majorité absolue à l’Assemblée nationale et l’absence effective de cette majorité explique assurément la très difficile compréhension par toutes et tous de nos débats et travaux.
Cette confusion est amplifiée par les agissements du Président de la République qui fragilise encore davantage les institutions en choisissant de renommer ses proches à Matignon en dépit de l’esprit et peut être même de la lettre de nos règles communes.
Dans cette situation aussi inédite que chaotique, nombre d’entre nous sont pris entre le marteau et l’enclume : l’opposition catégorique à cet accaparement du pouvoir au risque de l’approfondissement d’une crise dans le contexte d’une progression de l’extrême droite ; ou tirer profit d’un gouvernement sans majorité pour protéger ce qui peut l’être et gagner un peu de temps pour construire sérieusement une alternative.
A gauche, cette confrontation stratégique, légitime, ne saurait toutefois nous faire perdre raison. Tout au long de l’examen des lois de finances de l’Etat et de la Sécurité sociale, la gauche et les écologistes ont toujours voté les articles et amendements qui améliorent les choses et vont dans le bon sens. Cela n’a jamais engagé personne sur le vote définitif des lois de finances de l’Etat et de la Sécurité sociale. C’est assez simple en fait : ce que l’on peut prendre, on le prend.
Dès lors je vous partage mon incompréhension vis à vis des débats qui entourent l’examen cet après-midi de la proposition de report de la réforme des retraites. Oui, il ne s’agit pas de son abrogation, ni même d’une suspension puisque la rédaction du gouvernement est telle que la réforme reprendrait son cours à partir de janvier 2028. Il s’agit donc d’un strict décalage. Mais ce dernier concernerait plusieurs centaines de milliers de personnes qui pourraient partir plus tôt à retraite. Par ailleurs, son adoption obligera les candidat-es à l’élection présidentielle à se prononcer sur leurs intentions sur la poursuite ou non de la réforme. Si cette victoire ne devait pas être totale, le vote favorable de l’Assemblée nationale serait le premier prolongement politique des mouvements sociaux du printemps 2023.
Le vote du décalage de la réforme des retraites ne peut être l’otage d’interprétations politiques en surplomb. La seule question posée aux député-es est celle du contenu de la mesure, de ce qu’elle améliore ou non le sort de celles et ceux que l’on prétend représenter.