POUR LA DÉMOCRATIE, LA CENSURE

le texte "PAR RESPECT POUR LA DÉMOCRATIE, JE VOTERAI LA CENSURE DU GOUVERNEMENT BARNIER" écrit à côté d'une photo de Tristan Lahais, député d'Ille-et-Vilaine, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale

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Par respect pour la démocratie, je voterai la censure du gouvernement Barnier

Je voterai la censure d’abord parce que le choix de ce Premier ministre contrevient au choix des électrices et électeurs et met ainsi à mal les principes démocratiques et républicains les plus fondamentaux. Le Nouveau Front Populaire est la première des forces qui composent l’Assemblée nationale et c’est une réalité qui ne peut pas être contestée. Si quatre groupes politiques s’en revendiquent (insoumis, socialistes, écologistes et communistes), nous avons tous et toutes été élu.es sous bannière « NFP » avec les soutiens de toutes les formations politiques qui en sont membres. Avec 193 député.es élu.es, nous sommes donc loin devant tous les autres, en dépit des coalitions baroques de celles et ceux ayant fait campagne les uns contre les autres.

Parce que la démocratie est chose fragile, comme en atteste d’ailleurs son affaiblissement partout dans le monde, elle exige que soient respectés des principes minimums et des règles claires et opposables. Du « coup d’état permanent » de François Mitterrand décrivant la VèmeRépublique à sa critique plus récente, nous savons nos institutions perméables au détournement de l’esprit des lois et aux fondations philosophiques de la Constitution. Ainsi en a-t-il été du choix du Président de la République de ne pas nommer notre candidate au motif supposé de l’instabilité institutionnelle et préférant construire lui-même une nouvelle majorité relative, au mépris de la séparation des pouvoirs. Double rupture avec la démocratie puisqu’il nous incombait, d’une part, la responsabilité de vérifier l’hypothèse d’une majorité, au moyen par exemple d’un accord de non censure ; d’autre part, parce qu’en nommant un Premier ministre « Les Républicains », il fait des derniers les premiers et risque ce faisant de dégouter de la démocratie et des urnes, celles et ceux qui s’étaient déplacés plus nombreux que jamais dans les bureaux de vote en juin et juillet dernier.

Je voterai la censure ensuite parce que tout porte à croire que le gouvernement Barnier fera une politique contraire aux valeurs et au programme que nous avons défendus, contraire aussi aux choix des Françaises et des Français qui se sont mobilisés pour le changement d’une part, contre l’extrême droite d’autre part. Membre de la Commission des Finances à l’Assemblée nationale, nous avons auditionné, en ce mois de septembre, le Ministre de l’Économie démissionnaire et le 1er Président de la Cour des Comptes, et ces derniers nous ont présenté l’état catastrophique des finances publiques. Cette situation confirme l’échec des politiques dites du ruissellement fondées sur l’illusion qu’une réduction des impôts des plus aisés favoriseraient l’investissement, l’augmentation de l’activité et, in fine, la redistribution, « du haut vers le bas ». Outre le fait que les inégalités n’ont jamais été aussi grandes qu’aujourd’hui, les cadeaux fiscaux faits aux plus aisés ont considérablement diminué les recettes de l’État, n’en déplaise aux idéologues néolibéraux qui pariaient sur une compensation illusoire par la croissance de l’activité.

L’histoire économique se répète et la droite se révèle toujours être mauvaise gestionnaire en même temps que la situation financière qu’elle a dégradée lui sert de prétexte à diminuer ensuite les dépenses, au détriment de nos services publics et de la protection sociale. Les expressions des nouveaux ministres indiquant vouloir répondre à la procédure engagée par l’Union européenne pour déficit excessif principalement, voire exclusivement, par la diminution des dépenses attestent de cette fuite en avant mortifère et aux antipodes des attentes exprimées lors des élections européennes et législatives.

Nous ne connaissons pas encore précisément les cibles d’économies visées par le gouvernement Barnier mais les premières déclarations et fuites nous en dessinent les contours : la désignation des collectivités locales, qui assurent bien souvent la solidarité en lieu et place de l’État et engagent concrètement les transitions indispensables, de même que l’écologie, comme en témoigne la baisse possible de 40 % du budget de l’ADEME, confirment la probabilité d’une politique de droite dure. En outre, les expressions récentes sur l’AME attestent d’une tentation à désigner l’étranger pour responsable de tous nos maux comme elle illustre l’emprise de l’extrême-droite sur ce gouvernement. Ces orientations proviennent directement de la soumission de fait du gouvernement à l’extrême-droite, pouvant à tout moment agiter la menace de censure, comme en atteste le récent rappel à l’ordre du nouveau ministre de l’Économie sur demande expresse de Marine Le Pen. Cela appelle de notre part une opposition franche et sans ambiguïté.

Par-delà l’opposition nécessaire, nous avons le devoir de préparer la suite, dès maintenant, quelle que soit l’échéance des futures élections. L’avènement du Nouveau Front Populaire ne peut être un feu de paille, réduit à sa simple expression électorale. L’émiettement des forces de la gauche et de l’écologie, et la concurrence que cette situation suscite, est préjudiciable à nos batailles politiques, qu’il s’agisse de notre capacité à nous opposer avec intelligence, à préparer nos candidatures futures ou encore, et c’est probablement le plus important, à approfondir notre programme et à le partager largement auprès de celles et ceux qui sont tentés par l’abstention ou l’extrême-droite.

L’épilogue de la procrastination présidentielle par la nomination d’un gouvernement minoritaire et sous la main de l’extrême-droite atteste enfin d’une crise de régime sans précédent qui menace l’horizon démocratique. L’illusion d’une sortie de crise par la magie d’une modification de la loi électorale (cf le débat sur la proportionnelle) n’a pour dessein que d’empêcher le débat nécessaire sur les pouvoirs excessifs du Président de la République, voire sur le régime présidentiel lui-même. Les grandes transitions nécessaires à nos sociétés exigent un élargissement de la démocratie. La dérive autoritaire que nous observons en France comme ailleurs est l’expression d’une volonté d’empêcher le partage du pouvoir, des richesses ou encore des ressources. Organisons-nous pour faire sauter les verrous !

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